« Photographier » permet de capturer une image de la réalité. Une image fidèle de ce que l'on voit. Ou croit voir. Ou croit avoir vu.
Car « photographier », c'est prendre un instantané de la réalité grâce à la technologie, donc objectivement !
Or aucun processus (physique ou chimique) ne voit ce que l'œil voit, et encore moins ce dont le cerveau se souvient. En fait, l'image capturée par le capteur d'un appareil numérique(1) n'est jamais celle que l'œil voit. Certaines différences se réduisent au fur et à mesure que la technologie évolue, d'autres sont plus structurelles :
La gamme des couleurs d'un appareil photo ne correspond pas exactement à celles perçues par l'œil : un capteur est sensible à l'infrarouge, ce que l'œil ne voit pas. Par contre l'œil est plus sensible au vert, mais ça on l'émule dans un appareil photo en mettant deux fois plus de photosites verts...
La plage dynamique d'un appareil (capacité à voir les détails aussi bien dans les zones sombres que claires) est plus restreinte que celle de l'œil : celle de l'œil est estimée à une vingtaine d'IL(2) alors que les meilleurs appareils photos actuels ne dépassent pas une quinzaine d'IL.
La sensibilité à la lumière est plus faible pour un appareil photo car l'œil utilise des cônes pour la couleur et des bâtonnets pour la seule luminosité (pas de couleur), qu'il adapte en fonction de la luminosité : en basse lumière, il va ainsi basculer sur les bâtonnets et continuer de voir, avec une image progressivement désaturée (noir & blanc).
La résolution ou netteté de l'œil est estimée à 575 millions de pixels, soit 10 fois supérieure à celle des capteurs actuels (autour de 50 millions pour les meilleurs appareils actuels).
L'angle de vision et la netteté sont liées dans un œil : il voit plus net au centre que sur les bords (vision latérale), ce qui lui permet d'avoir un angle de vision plus large (équivalent focale de 22mm) mais flou et de voir une zone plus nette, mais au centre (équivalent focale de 43mm).
Et cerise sur le gâteau, même ce dont le cerveau se souvient est différent de ce que l'œil a vu : les images dans nos souvenirs sont plus saturées que ce que la réalité était.
C'est pourquoi toute image prise par un appareil photo est toujours modifiée par le logiciel de ce même appareil (reflex, hybride, compact, smartphone,...), qui y applique automatiquement ou semi-automatiquement (sélection des modes paysage, portrait, macro,...) des corrections prédéfinies.
L'autre option est celle où le photographe décide de se substituer à l'appareil, en éditant la photo brute de l'appareil photo pour y appliquer ses propres ajustements à l'aide d'un logiciel spécialisé (de la marque ou universel).
Mais dans les deux cas, l'image vue par le capteur, doit être éditée pour se rapprocher(3) de ce que l'œil (le cerveau) voit.
Alors, quelle est la photo la plus fidèle ?
celle générée automatiquement,
celle influencée par la sélection des modes prédéfinis ou
celle éditée manuellement ?
Une photo fidèle ? mon œil...
(1) Ou la chimie d'une pellicule argentique
(2) Indice de Lumination
(3) Modifier l'image générée par l'appareil (typiquement, le bien connu jpg) au lieu de l'image brute, rajoute une correction après le traitement de l'appareil et surtout après la compression de l'image (cas du jpg)